Sa biographie ressemble à un portrait chinois : Née à Frankfurt, en Allemagne, d’origine americaine, Karen Knorr grandit à San Juan à Porto Rico avant de venir étudier à Paris puis à Londres où elle vit depuis les années 70. Elle y développe un travail photographique à la frontière entre documentaire et fiction où elle s’immerge dans des groupes sociaux pour en brosser le portrait : dans la série Punks (1977), elle suit un groupe de jeunes issus du mouvement punk ; dans Belgravia (1979-1981), elle décrit (de façon satirique et caricaturale) le quotidien des habitants d’un quartier riche de Londres à l’époque de Tatcher ; dans Gentlemen (1981-1983), elle photographie le très select Club masculin anglais Saint James.
En 1986, la série Connoisseurs (1986-1990) marque un tournant, dans son œuvre qui devient plus allégorique et plus pictural. karen Knorr se détourne des portraits humains, pour se concentrer sur la représentation de lieux et d’architectures spécifiques porteurs de culture et d’histoire. Les humains n’y apparaissent plus comme le sujet central, mais comme simples éléments de composition, à la fois conséquences, illustrations et révélateurs de l’environnement qui les construise. La photographie permet à Karen Korn de développer, avec humour et poésie, une réflexion sur la perception, le réel, la manipulation, l’art et la culture.
Avec la série Fables (2003-2008), elle introduit de manière durable la figure animale dans ses photographies, concept qu’elle développera dans les somptueuses séries “India Song” (2009-2013) et Monotagari (2013-2015).
FABLES
Mélant une approche analytique, littéraire et historique, l’œuvre poétique de Karen Korn évoque d’avantage la peinture du 17° siècle que la photographie classique. Ses tableaux photographiques oscillent sans cesse entre entre rêve et réalité. Curieuse invétérée et grande voyageuse, elle utilise la photographie pour explorer les traditions culturelles de microcosme ou de société aussi variée que les Musées Français dans la série “Fables”, la vie luxuriante des palaces indiens dans “India Song” ou encore la culture très codifiée japonaise dans la série Monotagari.
Puisant son inspiration dans les contes, légendes et récits mythologiques, son travail consiste à mettre en scène des animaux dans des lieux muséaux, espaces sociopolitiques riches de culture et d’histoire – aux décors luxueux. Dans la série Fables (2003-2008), Karen Knorr situe ses scènes dans des lieux préstigieux français tel que le chateau de Chambord et de Chantilly, le Musée Carnavalet, le Musée de la Chasse et de la Nature, la Villa Savoye, le Musée Condé etc. Pour Monotagari, la photographe place les animaux dans des architectures qu’elle découvre en lisant Le Dit du Genji, célèbre nouvelle écrite par Murasaki Shikibu.
Tandis que dans les fables (on pense à celles de La Fontaine), l’utilisation d’animaux dans des rôles humains était pretexte à des récits critiques et moraux, le travail de Karen Knorr, en revanche, s’apparente plutôt à une célébration.
En reprenant les codes formels et symboliques de ces cultures ancestrales, Karen Knorr les réactive à travers une approche contemporaine, réinventant une mythologie post-moderne.
INDIA SONG