En 2010, Tadao Ando achève le Lee Ufan Museum, le dernier bâtiment construit sur l’île de Naoshima au Japon, entièrement dédié aux oeuvres de l’artiste coréen Lee Ufan.
Dans son travail, Lee Ufan met en relation des éléments antagonistes. Il confronte des matériaux naturels comme le bois ou la pierre à des matériaux industriels comme le métal, le verre ou le miroir. L’artiste joue avec les notions de vide, d’espace et d’énergie. En cherchant l’équilibre et le contraste des éléments qu’il pose soigneusement, il révèle le rapport qui se crée entre les objets et leur espace environnant. Contrairement à Chichu Museum où sont exposées les oeuvres d’artistes occidentaux, le Lee Ufan Museum met l’accent sur la culture asiatique. C’était un souhait de Soichiro Fukutake de distinguer le monde occidental et asiatique.
Né en 1936 dans la petite ville de Haman-gun dans la province montagneuse de Gyeongsangnam-do en Corée du Sud, Lee Ufan est l’un des artistes coréens contemporains les plus influents sur la scène internationale. Si formellement, ses oeuvres ont des résonances asiatiques, elles répondent en revanche à des préoccupations universelles. Après des études de peinture orientale à Séoul, Lee Ufan part s’installer au Japon en 1956, où il suit des cours de philosophie occidentale à l’université Nihon à Tokyo en 1958. En 1968, il participe, en tant que théoricien, à la création du mouvement Mono-Ha qui regroupe des artistes dont la spécificité est d’utiliser des objets naturels non manufacturés ni altérés et de les faire dialoguer entre eux. Leur but est de réduire au minimum la démarche personnelle de l’artiste et mettre l’accent sur les relations entre les matériaux, l’espace et le spectateur.
Lee Ufan imagine pour son musée une architecture qui évoque un espace de méditation comme une grotte ou un sanctuaire. L’artiste coréen a installé chez lui une chambre de méditation de la taille de quatre tatamis. Cette chambre est devenue le modèle et le point de départ des salles d’exposition de son musée. Les espaces ont été tracés d’abord par l’artiste, puis Ando Tadao y a ajouté ses idées après avoir longuement échangé avec Lee Ufan.
Situé entre le Chichu Museum et le Benesse Museum, Le Lee Ufan Museum est entouré par la plaine qui lui ouvre la vue sur la mer. L’architecture vient s’y blottir en s’adossant à la topographie légèrement en pente. Tadao Ando creuse le terrain cette fois-ci d’une manière frontale. Le Benesse Museum, l’hôtel Oval, ainsi que le Chichu Museum montraient l’évolution d’une architecture souterraine dans laquelle Tadao Ando cherchait le lien entre le sol et le ciel à travers les ouvertures zénithales. Dans le projet de Lee Ufan Museum, le musée est complètement enterré. Le mot ‘cave’ illustre d’ailleurs bien sa configuration architecturale.
On accède au musée par un escalier bordé sur la gauche par un haut mur en béton qui voile complètement la vue sur gauche. Sur la droite, en biais, on découvre la façade, très longue, du musée. Devant, les sculptures de Lee Ufan sont posées. Son oeuvre « Relatum-Pint, Line, Plane » réalisée en 2010, est une longue colonne d’une hauteur de 18,5m qui crée un contraste avec l’architecture horizontale de Tadao Ando. Ensuite quand on finit de descendre les escaliers et que l’on s’approche de la façade du musée, on aperçoit au loin, d’autres sculptures de l’artiste, derrière lesquelles, la mer étendue qui était cachée par le mur en béton se révèle.
Ainsi on alterne les regards lointains et proches. Nous découvrons un environnement naturel, éclairci à travers le chemin aménagé par l’architecte. Devant le musée, on est confronté aux façades en béton. L’entrée en chicane nous aspire dans le musée, ce qui renforce la sensation d’entrer dans une cave, sous la terre. Nous passons entre les murs, puis une cour de 30m2 en forme triangulaire nous accueille. Le sol est couvert par du Macadam. C’est le seul moment où l’on peut voir le ciel se découper en triangle, ce qui rappelle les musées précédents. Puis nous entrons complètement sous la terre.
« Mon travail est simple. Je n’utilise que les éléments essentiels. C’est très simple, et en même temps, c’est très difficile. Quand je pose une pierre par terre, il se tait. Cependant quand je le pose en biais, cette pierre qui était aussi lourde, devient légère et commence à parler. » – Lee Ufan
Dans ce musée, il y a une salle d’exposition, nommée « Chambre de rencontre » qui abrite et expose chronologiquement sept oeuvres de Lee Ufan. Cette chambre donne également accès à trois chambres rectangulaires dont les tailles, la texture et la lumière sont différentes. Chaque salle est nommée différemment : « Chambre du silence », « Chambre des ombres » et « Chambre de méditation ».
Dans la « chambre du silence », une plaque en métal est posée en face d’une pierre naturelle. Lee Ufan voulait créer un espace silencieux, où la seule résonance est amplifiée par ces deux objets mis face à face. La Chambre de méditation comporte une peinture murale toute simple. La dernière pièce, « Chambre des ombres » abrite une pierre, dont l’ombre projetée illustre le chemin suivi par cette pierre. D’après Lee Ufan, les pierres sont les objets qui attirent l’attention et provoquent le silence, car elles sont en fait des morceaux de temps accumulés.
Le concept de ces trois chambres était déjà dans les esquisses de l’artiste Lee Ufan. L’ensemble a été décidé suite à des discussions entre l’artiste et l’architecte, et ainsi Ando a aménagé les chemins pour relier les oeuvres de l’artiste.